Jacqueline Saint-Jean

N.B. Nous avons publié un second recueil de J. Saint-Jean

                   Hôpital des poupées

Voir cette page après la photographie (ainsi que la note de lecture de Georges Cathalo).

SOLSTICE DU SILENCE, Jacqueline Saint-Jean

Editions Alcyone, Collection Surya

ISBN : 978-2-37405-019-5

Les textes sont accompagnés de la reproduction d'une oeuvre plastique.

Née dans les Côtes d’Armor, Jacqueline Saint-Jean vit près de Tarbes. Membre du comité de rédaction d’Encres Vives, co-fondatrice puis rédactrice jusqu’en 2009 de Rivaginaires, revue engagée pendant trente ans dans nombre d’actions poétiques avec peintres, musiciens, autres partenaires. Elle a souvent participé à des projets d’écriture à l’école, dans les bibliothèques, les associations, et animé de multiples ateliers d’écriture. A publié une trentaine d’ouvrages, poésie, un roman, des livres d’artistes, et beaucoup de textes, articles et lectures dans diverses revues et sites.  Prix Max Pol Fouchet 1999 pour « Chemins de bord » et prix Xavier Grall 2007 pour l’ensemble de l’œuvre.  Son écriture crée une « étrange alchimie des apparences et de l’intériorité », selon Gilles Lades. Et Marie-Josée Christien l’évoque ainsi : « Le texte se tend, juste et plein. Dans une économie de mots, il luit de toute sa lumière. Il ne développe pas. Il n'a aucune vérité définitive à conquérir. Il s'efface, insaisissable, entre éphémère et infini, entre nuit et lumière. Il respire, scintille, résonne "vers les chemins de l'intérieur, où les tracés se perdent".

En ces temps assourdissants, s’ouvrir au silence. A sa profondeur, ses variations, ses impasses, ses éclairs. A ses ombres, ses miroirs, son mystère. A ses graines. « Chaque atome de silence / est la chance d’un fruit mûr » (Valéry). S’il glace parfois, sentir aussi qu’il pénètre le corps, épure la pensée, amplifie le souffle, accueille l’intensité de l’instant, lave les mots de leur poussière. Ainsi traversée, écouter le soir, rassembler ce qui reste, ce qui éclaire encore, ébauche un chemin : éclats de vie, questions, les sucs et les cendres, les braises du temps que les mots attisent.

Jacqueline Saint-Jean

Vous pouvez écouter des poèmes de Jacqueline Saint-Jean en cliquant sur la flèche du fichier MP3, en bas de page.

 

TEXTES

    Vagues de voix     qui s’éloignent   
 s’éteignent     musique errante
dans quel espace perdu

Décembre assourdi
          Solstice du silence

Seuls viennent battre   au labyrinthe d’oreille
basse de mer et  ressac du sang 

Et le ruisseau secret du soliloque
         sa résurgence  insoumise

*
Alors s’avive   aux yeux musiciens   
           le chœur matinal des collines
épaule contre épaule    modulant
les courbes    les bleus et les verts  
           les caresses de la lumière

Alors reste la main
           la muette qui cherche
sur la portée des mots
           la note juste de l’instant   

*

Parfois reste un bruit d’eau
un ruissellement de mémoire
un rythme venu de la nuit des temps

Un très vieux poème   accompagne le courant
Trois baigneuses d’aube  descendent au fleuve
à sa lenteur verte   et voluptueuse 

Parenthèse lumineuse   que l’instant referme

Reste un leurre de rive   et de sillage
où le matin glisse   une tige de soleil  

*
Attente étale   le silence   ne frémit guère  
      d’un seul cil    d’herbe ou de syllabe

La fenêtre blanche   se refuse
Une intruse de papier   te dévisage

Ni boussole   ni balises   le Nord
       s’est égaré   dans les heures

Ce qui vibre   fait trembler les doigts
on ne sait plus très bien pourquoi

Et le noir tombe   sans oiseaux

*
Entre résonances   hasard et désir
      on s’enfonce   dans le mot silence
ce corps d’énigme   où lancine
      une aile de ciel   un élancement
de sens invisible   sur la langue
      une danse suspendue   en plein vol

A le redire   il se réverbère   à travers
      les vapeurs   de l’univers

Trois syllabes   signature du mystère

*
Remous muets   au revers   remuant
les boues   entre les roseaux serrés  
        de l’ordinaire

Grand trouble de syllabes    crevant   
       la pantomime calme   
à travers le tain   des surfaces

Quelques mots nus   émergent
comme revenus   de quel temps   
       de quel feu enfoui
 

Poèmes extraits de Solstice du silence

de Jacqueline Saint © Editions Alcyone

 

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NOTE DE LECTURE DE MCIHEL BAGLIN SUR SOLSTICE DU SILENCE DE JACQUELINE SAINT-JEAN  (PARUE LE 15 FÉVRIER 2017 DANS LA REVUE EN LIGNE TEXTURE) :

La lumière baigne ce recueil. Douce le plus souvent, mélancolique même. C’est que la nuit est là, aussi, qui la révèle menacée. Le silence en est bien sûr le thème majeur, le maitre mot, qui revient dans presque tous ces poèmes à l’expression ramassée. 
Il est protéiforme, mais reste ce « ce corps d’énigme », cette « signature du mystère » que l’auteure n’a de cesse d’interroger « à travers le tain des surfaces ». C’est un silence « d’après désastre », ou encore l’évasion de la « cage des cacophonies » tandis que le monde roule son bruit d’avalanche. Il est sans doute réparateur parfois, faisant vibrer « la note juste de l’instant », mais aussi « dévorateur ». Il renvoie à la sidération de la beauté (qui nous « méduse ») comme aux « frelons de l’effroi ». On s’y enfonce et il « nous sonde ». Il a à voir avec la nudité, il y a en lui du « chant perdu ». 
Car il est un autre thème central de ce recueil, celui du temps, un maître mot pourtant rarement livré. La fuite du temps, la succession des pertes et des deuils hante ces pages : « De jour en jour on s’avance / dans la forêt blanche / des disparitions ». Ce n’est pas pour rien que la seconde partie du recueil s’intitule « Sourdine du soir ». Jacqueline Saint-Jean s’y interroge sur ce qui reste au soir des existences. Sur ce qui a fait silence et sur ce qui ne veut pas se taire. Le silence est alors ce cœur au ralenti, qui se rétracte : « un mot en apnée ». Mais il demeure source de vertige, car ce qui s’avive au soir est encore « l’étonnement d’être / et la voix insoumise ». 
Jacqueline Saint-Jean cite un vers de Malcolm de Chazal - «  Les grands silences demandent un regard vaste  » - et ici, en effet, il s’élargit, évoquant « ce qu’il reste d’horizon / dans l’île du regard / pour que le jour revienne ».

Solstice du silence, Jacqueline Saint-Jean

Prix global en euros : 16,00€ (+ port/emballage : 4,00€)

Poèmes de Jacqueline Saint-Jean dits par Silvaine Arabo

Jacqueline Saint-Jean

Jacqueline Saint-Jean

Jacqueline Saint-Jean - Hôpital des poupées

HÔPITAL DES POUPÉES de Jacqueline Saint Jean

Editions Alcyone (Coll. Surya)

Avec 09 photographies de Francis Saint-Jean.

Née dans les Côtes d’Armor, Jacqueline Saint-Jean vit près de Tarbes. Membre du comité de rédaction d’Encres Vives, co-fondatrice puis rédactrice jusqu’en 2009 de la revue Rivaginaires, engagée dans nombre d’actions poétiques, lectures publiques, expositions, correspondances, rencontres, ateliers d’écriture, elle a publié une trentaine d’ouvrages : poésie, un roman, trois livres d’artistes, ainsi que des articles et lectures en revues ou sites, notamment Texture. Prix Max Pol Fouchet 1999 pour « Chemins de bord » et prix Xavier Grall 2007 pour l’ensemble de l’œuvre. Un ouvrage est paru en 2017 sur son chemin d’écriture : « Au fur et à mesure de la parution de ses livres, l’unité et l’importance de l’œuvre se confirment. Il y a chez Jacqueline Saint-Jean  une ferveur attentive, une sensibilité au mystère fondamental qui fusionne l’expérience personnelle et la mémoire collective. Sa parole nue  capte et trouble, interroge le réel, murmure sa vulnérabilité. Ses poèmes, à la densité puissante, au style reconnaissable,  éprouvent la force fertile des mouvements pluriels du dehors.» Marie-Josée Christien (Parcours Jacqueline Saint-Jean, Entre sable et neige, Editions Spered Gouez)

 *

Miroir de nos désirs, de nos peurs, nos chimères, confidente, fétiche, figurine des fécondités ou effigie sacrée, de tout temps les poupées accompagnent les humains. On leur parle, les invoque, les materne, les malmène, et parfois on les crible, les brise, les jette. A l’Hôpital des poupées (Lisbonne) des mains aimantes réparent leurs corps disloqués, dont les photographies de Francis Saint-Jean révèlent la force de suggestion, réveillent en mémoire des scènes venues des violences de l’Histoire ou du sort des femmes. De l’émotion qui saisit en ce lieu a surgi l’écriture, qui accueille les corps brisés, imagine leurs vies, les anime, les ranime. Ainsi nait la poupée-poème.

TEXTES

 

Est-ce toi poupée d’encre

qui pousse avec moi la porte

de l’Hôpital des poupées

dans Lisbonne lustrée de pluie

On entre dans ce microcosme

de corps désarticulés

comme on traverse un miroir

de violence et de vérité

Au fond du couloir

la visiteuse des ombres

fixe à travers le temps

les blessures les renaissances

**

Poupée-poème ils t’ont jetée

au terrain vague désert

hors les heures   hors cité

Et le froid du monde

monte dans leurs yeux

Parfois à l’embouchure des songes

soudain le vent soulève   

venu de très loin

le chant perdu en chemin

**

A désirer le large

ton regard s’est voilé

Amalia

Ta voix s’est retirée

au labyrinthe nostalgique

où courent les ombres

Orpheline comme un fado

dans un rêve de caravelle

Sur l’étagère des jours

tu tends encore l’oreille 

au tempo du Tage

**

Gisant sous la soupente

de quel autrefois

défroquée démaquillée

mannequine répudiée

te voilà resurgie

de mains magiciennes

altière et pâle

en tunique sombre

Tu fais front désormais

aux regards formatés

dans leurs prisons d’écrans

et leurs vogues serviles

**

Crâne lisse  calebasse

esclave ou rebelle

tu te souviens là-bas

du vent soulevant

ta folle crinière

Qui dira jamais

le sort des chevelures

cachées enserrées tondues

scalpées arrachées vendues

mais ailleurs tressées sculptées

en chemins de mythes

ou déployées  ondoyantes 

ruisselant sur le paysage

**

Poupée de son   disparue

abandonnée dans le noir

un soir de fuite ou de peur

au temps des guerres

tu as pris l’eau des nuits

la poussière des jours

et te voilà sans nom

Ici des fées patientes

réparent ta mémoire

Jacqueline Saint-Jean

Extraits de Hôpital des poupées

© Editions Alcyone

 

Pour vous procurer le livre de Jacqueline Saint-Jean :

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HÔPITAL DES POUPÉES

Jacqueline Saint-Jean

15,00€ (+ port emballage : 4,00€)

 

Note de lecture de Georges Cathalo 

Avec les éditions Alcyone de Silvaine Arabo, on est sûr de ne pas être déçu tant par la qualité formelle de chaque livre que par le choix des textes retenus. Ici, avec Jacqueline Saint-Jean, on découvre un univers poétique fort de résonances intimes. À partir de l’élément déclencheur que fut la visite à Lisbonne de L’hôpital des poupées, l’auteure a été bouleversée par les corps désarticulés des poupées qui renvoient à des images insupportables quand « deux regards dilatés / réveillent une histoire / de trains terribles » ou qu’elle s’attarde sur « le sort des chevelures / cachées enserrées tondues / scalpées arrachées vendues ». Comme une chanteuse lors d’un solo, Jacqueline Saint-Jean sait tenir la note expressive et la rendre encore plus juste et plus troublante. Elle s’adresse à toutes ces poupées comme à des personnes capables d’entendre et de comprendre comme on semble le deviner au travers des belles photos en noir et blanc de Francis Saint-Jean. L’ensemble pourrait paraître terrible et sans recours mais fort heureusement les deux derniers vers ouvrent un espace d’espoir et de liberté : « Et la vie sans pareille / appareille ».

Georges Cathalo (revue Décharge, Intercalaire N°3, N°184)

 

Note de lecture de Marie-Hélène Prouteau

 

Hôpital des poupées, Jacqueline Saint-Jean, Editions Alcyone.

 

Ce livre est un petit bijou qui ravive l’émotion des lointains de l’enfance. La nostalgie de ces temps où l’on réparait les poupées. Cet Hôpital de poupées, la poète Jacqueline Saint-Jean l’a découvert à Lisbonne, Hospital de Bonecas. 

 

L’ouverture du recueil sur des lignes de Pierre Reverdy donne le ton : « Fétiche. Petite poupée, marionnette porte-bonheur, elle se débat à ma fenêtre, au gré du vent… ». S’ensuivent une vingtaine de poèmes et une dizaine de photos en noir et blanc de Francis Saint-Jean. Ces figures qu’elle côtoie, poupées cassées, sans bras, la poète a de la tendresse pour elles. Pour ces visages abîmés, ces corps de porcelaine disloqués :

 

« Couchée dans son moïse

 

la tête ébréchée 

 

dans sa robe à fleurs 

 

de quel saccage rescapée

 

de quel exode 

 

les paupières closes

 

sur quelle enfance perdue »

 

 Ces poupées brisées dans la poussière du temps font merveilleusement rêver. Tant elles ont été celles à qui l’on racontait tout, pour qui l’on inventait un monde. Figures bienveillantes, transitionnelles, si étrangement vivantes.  La poète, toujours sensible au mystère des êtres comme dans ses nombreux recueils, leur redonne vie et chair :

 

« Que fais-tu ici

 

désuète de tes amours

 

princesse de cérémonie

 

tombée de quelle histoire »

 

Ces figures nous touchent car ils ramènent à l’esprit d’enfance chanté par les poètes et par le philosophe Nietszche. C’est le pouvoir du chant poétique de nous remettre de plain-pied avec cet âge, de nous en faire partager la grâce.   

 

Evoquant son recueil, Jacqueline Saint-Jean écrit « Miroir de nos désirs, de nos peurs, nos chimères, confidente, fétiche, figurine des fécondités ou effigie sacrée, de tout temps les poupées accompagnent les humains ».

 

Plus encore, ces corps ravivent des scènes venues des violences de l’Histoire ou du sort des femmes :

 

" Des amas de jambes gisent

 

matricule au pied

 

sur les pas perdus "

 

Comment ne pas songer, en creux, à ces douleurs de temps sombres ? Ainsi naît, pour le grand bonheur du lecteur, la magie de la « poupée-poème ». 

 

Marie-Hélène Prouteau

 

Note de lecture parue sur Terre à ciel.Juillet 2020.

 

Pour plus d’informations :

 

« Parcours Jacqueline Saint-Jean, Entre sable et neige, édition Spered Gouez.

 

« Jacqueline Saint-Jean ou l’aventure d’être au monde en poésie », par Marie-Hélène Prouteau, Terres de femmes. 

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