RESSACS DE LA MER OBSCURE suivi de IMPRÉCATION

de Jean-Jacques Brouard

©️ Editions Alcyone


Jean-Jacques Brouard est né en 1952 en Bretagne. Après avoir été barman, routard, gardien de phare et banquier, il est devenu professeur de lettres, conférencier et homme de théâtre. Artisan de l’écriture, passionné de littérature, il est l’auteur de recueils poétiques : Bout du monde, Extases, Fulgurances, Visions, Horizons intérieurs (éditions Sémaphore 2023), Voyage en Anthropie (à paraître en 2024 aux éditions Tarmac), Griffures du néant… Son essai sur Blaise Cendrars Braises ardentes sous la cendre doit paraître bientôt aux éditions Sémaphore. Il a publié dans des revues (La Vie Multiple, La Piraña , Décharge, Instinct Nomade, Francopolis, Les Cosaques des frontières…). Il a aussi écrit des romans (Sine qua non, La Passante, Chimères, Hôtel du Ponant, Anamorphose…), des nouvelles (Fatale, Récits corrosifs, Fonds abyssaux, Sortilèges…), - en quête d’éditeur - et une pièce de théâtre, La Horsaine, jouée par la Compagnie Hurtelune. Il est le co-animateur (avec son ami poète Miguel Ángel Real), du blog poétique oupoli.fr.


**


Pour Jean-Jacques Brouard, La poésie est extase au bord d’une mer originelle qui se perd dans les grands horizons où l’œil s’enivre d’infini.[…] Elle ouvre les portes d’un au-delà de l’apparence, d’un plus profond que la surface…[…] Aussi la poésie est-elle toujours une illumination. Il faut à l’homme des mots pour voir. Sans eux, il est aveugle. L’alchimie des mots le rend voyant. La poésie est le moment cosmique de la mémoire fécondée par la foudre. La poésie est le philtre de la métamorphose et du dépassement sous l’égide d’Orphée et de Dionysos… J.J.B.

TEXTES


Les femmes dévêtues des longs manteaux moirés passaient dans les coursives d’un labyrinthe en fer. Les hautes voiles enflées claquaient dans l’or du rêve. A l’infini les fleuves donnaient naissance aux îles. Les chevaux fous du large emportaient les marins. Clio avançait nue sur la vergue du temps. L’aiguille disait midi: on régnait au zénith dans la splendeur des odes et des ors du grand jour. Pour présent inouï l’instant artificiel, mais l’azur des sirènes rendaient belles les nymphes. Des êtres monstrueux voulurent troubler la fête: tous ficelés par sept, jetés par-dessus bord. Malgré cet incident, ce fut un beau voyage.


**


Vincent peignait des soleils, lui écrit des mots partout, des mots bruts, des mots sauvages, des mots indomptés. Sur les feuilles, sur les peaux, sur les murs. Il n’est ni complaisant ni peureux. Il est maudit.
Il finit debout sur la table à chanter l’ivresse de la vie.
Puis le café ferme et, dans la nuit noire, la vieille peur ressurgit, la peur des autres, la peur d’être seul, la peur de l’ennui, la peur de la bêtise, la peur de la mort.
Aveuglé par la pluie, il s’essuie les paupières.
«Où es-tu, mon amour, que je devienne heureux?» hurle-t-il à l’encan dans les ténèbres bleues.
Quand il ouvre les yeux, il voit l’éclat du songe, la lumière de l’étoile, le feu noir du poème...
Puis il rentre chez lui et se met à écrire. Seul, loin des autres, seul comme un homme qui pense et cède au désir d’être le poème.


**


Son corps flotte dans une eau sombre qui ne brille qu’à travers les miroirs de la brume ondulant dans le vent du large. La dune s’étire le long du déferlement régulier des lames et la poussière du sable se mêle aux gouttes d’eau ensanglantée. La tourmente ravage les coteaux laminés par les sabots d’un soleil taurin. Les cimes décharnées font couler leur névé dans les vallées que noie l’air empuanti des gigapoles post-modernes. Des navires abandonnés courent sur leur erre dans des baies encombrées de carcasses flottantes et d’épaves englouties. Un oiseau gigantesque aux ailes de suie noire s’abat sur le monde et dépèce la vie…


**


Le temps s’appesantit. Rien ne passe. Tout stagne. Il est grand temps.
Je m’extirpe de mon cocon intérieur trop exigu. Et je file vers un ailleurs tout proche.
C’est un littoral intouché fait de parois barbares, de falaises fourbes et de criques secrètes… Je le parcours, je l’arpente, je l’estime. Je me libère des barbes urticantes d’un jour bien routinier.
Dans ce lieu de paix brute, l’éternité est à portée de tête, l’immensité à portée de cœur. Loin de piétiner, je marche, et j’avance. Chaque pied que je pose sur la terre est un acte réfléchi. Je sais exactement où me mènent mes pas: aux noces avec la mer.


**


Nous dérivons heureux sur le flot mou des rêves. Nous aimons le doute, l’opacité de l’ombre, ce gouffre où frétille l’indicible hantise, où se tortillent les monstres des profondeurs obscures, entités d’un espace où rampent les douleurs du malaise initial qui corrompt l’être même. Nous aimons nous laisser porter par un vent sibyllin, le souffle de nos peurs et de nos noirs désirs. Enivrés des errances, loin d’ici, hors du temps, toujours plus loin jusqu’à l’horizon de l’éveil, nous écrivons des visions de voyage. La mémoire est pudique, il faut la caresser. Le rêve abyssal est lourd de mystères et l’œil de l’énigme un lacrymal magma. Gorgone de la nuit qui pétrifie les sens, nous sommes des pantins aimant à la folie.


**


Partir le matin quand la lumière est pure et que le soleil te salue, c’est grande volupté. Les ombres s’étrécissent lentement et les arbres, secouant leurs drapures de rosée scintillante, balancent doucement dans le vent d’hiver. L’arbre vit dans un autre temps. Il se plie, il est vivant. Et libre de pousser ses feuilles là où il veut, là où vient la lumière…
La brume qui emplissait le fond des vallées s’évapore en longues volutes torses et tente d’accrocher le ciel pour faire descendre l’éclat de l’azur sur la terre.
Poète marcheur, va bon train, arpente les espaces du monde. Et dis-toi bien que, quel que soit l’avenir, seuls comptent les instants vécus. C’est dans ce réservoir de souvenirs que tu puiseras plus tard le sens de ton futur.


Extraits de Ressacs de la mer obscure

de J.J. Brouard

©️ Editions Alcyone



Pour commander cet ouvrage :


- envoyer un mail à editionsalcyone@yahoo.fr

(service soigné et rapide).


- Vous pourrez commander prochainement ce livre en librairie.



RESSACS DE LA MER OBSCURE

suivi de

IMPRÉCATION

Jean-Jacques Brouard

17,00€ (+ port : 4,00€)