Joëlle Pétillot

LE BAL DES CHOSES IMMOBILES

Joëlle Pétillot

Editions Alcyone (Collection Surya)

Joëlle Pétillot est née en 1956, d’un père dessinateur, illustrateur, peintre, et d’une mère pianiste. Très tôt, pour des raisons familiales, elle a compris l’importance de la transmission et de la mémoire. La voie de l’écriture s’est imposée d’elle-même, comme une trace et une ouverture au monde. Elle a publié dans plusieurs revues : Lichen, Reflets du Temps, L’Ardent Pays, Le Capital des mots, La Cause littéraire, Possibles, Poésie première, Incertain Regard, Décharge (Le choix de Décharge) Comme en poésie, ARPA  Écrits du Nord, Verso, Recours au poème, Traction Brabant. Participation au collectif De l’humain pour des migrants, Éditions Jacques FLAMENT.  Elle a fait paraître aux Editions Chemins de tr@verses : La belle ogresse (roman), La reine Monstre (roman), Le hasard des rencontres (nouvelles).

Evoquant Le Bal des choses immobiles, Joëlle Pétillot écrit : " Être revient à vivre une longue suite de moments courts. De ces brèves minutes - un pas foulant un sol boueux, un train qui passe, une aube, une enfance, un amour, un linge tendu sur un fil - la poésie a le pouvoir de saisir la beauté vive dans ce qu’elle a à la fois de faillible et d’irremplaçable. C’est à une danse que nous sommes conviés ici, à ce bal des choses communes à toute vie, épinglées juste avant leur entrée dans ce que Victor Hugo appelait « cette taupe aveugle, le passé ».  Pour qu’il en reste une survivance brillante, une marque accessible, juste en fermant les yeux. "

 

TEXTES

 

Hêméra esti.

L’heure incertaine où l’obscur joue à perdre contre l’aube.
Il faut dire pour coiffer un silence au poteau.
Dire la nuit des choses comme une mort dont on s’éveille, le têtu à vivre, les silences glissés dans les chants d’oiseaux. L’aube grosse de tous les crépuscules, la lettre écrite du corps à l’âme
« Je sais que de nous deux c’est toi qui t’enfuiras. »
Dire l’étoile-océan qui marche sur le ciel, masquée de plein jour.
Dire le quand même de sa beauté.
Dire le poids de l’autrement dans les regards pluriels.
Dire enfin cet hors limite de soi comme une répudiation, pour trouver, tout au fond, le point exact du reniement.
L’aube, cet arrêt du cœur, ce repos.  
Juste une île
Elle n’enfante que la lumière dont elle prend un peu de part.

**


Je demande


Aux grillons qui s’invitent
La nuit d’été pâlie d’étoiles
La tache de soleil qui lève le chagrin
Au regard où pas un atome ne ment
Aux rêves assignant le matin pour mieux s’y perdre
Je demande
La lumière
Magnanime
Déposant sur la pierre
Un sang de vitrail.


**

Contre-azur

Vivre est un appel, une convocation où l’entité répond : « absent ».
Un fleuve paré d’arbres qui le cachent, une dérive de résonance, le chant de l’eau noyé dans la musique des branches.
Les oiseaux posent, en rajoutent, saupoudrent  leur note à contre-azur. Une partition où seules s’écrivent des rondes, solides, ineffaçables, sur quatre temps. Et la première d'entre elles boit en profondeur une chorale de nocturnes : questions informulées, réponses tremblotées, dialogues inconnaissables.
Comme elle demeure douloureuse, cette longue déchirure de chasseurs dans une nuit barbelée d’étoiles.
Il suffit de regarder pour se déligoter du paraître.

**

Le gris du cri

Papier sur le tissu qui brille
Et bien plus loin
Mes espadrilles
J’avance avec dans chaque main
Les armes et la patience
Je remonte
L’arborescence
Tous les infinis
Font silence
Le gris du cri repousse l’ange
La pulpe des doigts effacée
Loin, trop loin
De qui j’ai été.


**
Navette

Je suis la soie itérative
la navette éperdue qui glisse
où l'histoire se fait lagune
va l'aiguille en dessous-dessus
chercher au creux des interstices
le funambule
la ravaudeuse
le puits clapotant sous la terre
où fleuriront nos impatiences
va mourir d'elles
juste après l'enfance
et vieillir sous les arbres
poudrés de soleil.

**
Sud

Ces moments me reviennent, où l’été tombe comme une pierre. Les arbres dressent leur immobilité souple dans l’absence d’air. Chaque bruit claque, chaque geste épuise. Chaque voix se découpe en syllabes brèves.
Les rires portent seuls une énergie nouvelle. Ils se font audibles, joyeux, passeurs.
Ils disent les vies, les enfances qui jouent quand même, oublieuses de la brûlure des choses. C’est pour les grands, la fatigue.
Sur les bords des maisons s’allument de petits nez encrémés de glace, des frappes de plongeons, des sons liquides de tuyaux qui crachent.
Là-bas sous la lumière crue tremble le sommeil empoussiéré des collines, ces montagnes paresseuses : il y a trop de temps à voir des arrêtes, des versants aux vertiges, des sommets. La rocaille au thym franc aime à s’arrondir plutôt que s’élever.
De loin en loin, sur le sol, la coque dentelée d’un rêve de cigale, une peau ajourée qui ne bruisse pas.

**
SEISHIN

Pour décrire un ailleurs, quels mots ? On écrit avec du silence, un vide fécond qui devient autre à mesure que l’on gagne en apesanteur. Comment parler de présence sans l’absence, le manque si hurlant qu’il se fait vertige, tirant la charge des gouffres ?  
Conter, un acte de bravoure qui relève du tremblement debout, face à un océan dont l’éternité aboie.
Droit devant, la balise ; son axe penche vers une liberté dérisoire, un peu traviole, mais quoi ?  Cette flèche s’avère sans doute plus verticale que nous. Soudain malgré le vent aux aiguilles froides, l’hiver marin qui siffle aux oreilles sous le bonnet, une certitude grandit comme Alice au fond de son puits, à se cogner partout, à se perdre dans un univers trop petit.
Je le connais bien, ce monde.
C’est ma peau.
L’éclatement d’une vague qui défie le bleu du reste, en plein large, sa mort brodée d’écume autour de la flèche courbée, drapée d’une étoile de sel qui la coiffe en toute beauté. Dans la mousse d’eau l’humidité tremblote sans parvenir où je me tiens. Trop loin, trop haut. Je m’accroche au plus près à ce rêve d’une seconde, l’agrippe à toute force parce que je ne veux pas de fin à ce mouvement des profondeurs, ce chant enfoui qui se tient là, face à une balise diagonale et une vague au bon moment.
Trop loin, trop haut... la paix en soi, Eden si rarement atteint, cadeau que je ne sais pas me faire.
Me vient alors un mot, un seul d’une langue parlée à des milliers de vols d’oiseaux, de l’autre côté du monde. Un mot dont la douceur à prononcer fait qu’aucun serpent n’y dort, aucune ombre ne le grise


**

Parole d’Octobre

L’acacia secoue avec douceur les plis de sa jupe. Les feuilles planent comme des notes volées d’écorce, des rêves si petits que nul n’en a la clé.
L’automne pose là son silence de terre, le rouge de la vigne vient blesser le crépi.
Bientôt le feu viendra, rendra dans la maison un son tremblé de cigales      .  
Le pas du crépuscule croisera plus tôt la lune poudrée de brouillard.
Le secret des forêts s’orangera de sources, l’eau laissera les saules aux branches chargées d’ailes minuscules tailler, par effleurage, des rides impitoyables sur la transparence.
L’eau porteuse d’estampes, heurtée de galets qui cognent sa mémoire et la nôtre, l’eau qui dit le mensonge de toutes les rivières, renvoie aux Octobre du monde la terre penchée comme le reflet différent des choses. De loin remonte le parfum terreux d’une souche.
Les arbres tombés n’ont pas de fantôme.

Extraits de Le Bal des choses immobiles
de Joëlle Pétillot. © Editions Alcyone.

N.B.

- Vous pouvez écouter des extraits de

                         LE BAL DES CHOSES IMMOBILES

dits par Silvaine Arabo (fichier MP3 en bas de page).

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LE BAL DES CHOSES IMMOBILES

de Joëlle Pétillot

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Joëlle Pétillot

Joëlle Pétillot

Poèmes de Joëlle Pétillot dits par Silvaine Arabo

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